Fugoa : Le monde des thés parfumés
 
Charles Baudelaire
Galerie Apollinaire

Charles Baudelaire, poète des contrariétés

Fugoa vous présente une sélection de 3 des 7 poèmes de publiés de juin 2007 à octobre 2007 dans le cadre de l'exposition "Charles Baudelaire, poète des contrariétés" à la galerie Apollinaire

 

Remords posthume
Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse,
Au fond d’un monument construit en marbre noir,
Et lorsque tu n’auras pour alcôve et manoir
Qu’un caveau pluvieux et qu’une fosse creuse ;

Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse
Et tes flancs qu’assouplit un charmant nonchaloir,
Empêchera ton cœur de battre et de vouloir,
Et tes pieds de courir leur course aventureuse,

Le tombeau, confident de mon rêve infini
(Car le tombeau toujours comprendra le poète),
Durant ces longues nuits d’où le somme est banni,

Te dira : « Que vous sert, courtisane imparfaite,
De n’avoir pas connu ce que pleurent les morts ? »
Et le ver rongera ta peau comme un remords.

 

Charles Baudelaire, poète des contrariétés

Le jour succède à la nuit, l’ordre au désordre… les cycles diront les historiens. Ainsi le romantisme, « Et si je vous le disais, pourtant que je vous aime… », aimer…, vouloir être René, « Et sans avoir usé de rien, être désabusé de tout » alors que l’on a tout juste vingt ans ! Le romantisme donc, commence à lasser une génération qui n’a pas connu la tourmente napoléonienne, et laissera la place, selon la définition de Jean Moréas, au Symbolisme. Verlaine que nous avions approché lors de la précédente exposition de la Galerie Apollinaire était un symboliste, Baudelaire que nous abordons aujourd’hui est un frère de la même école.

Il naît le 9 avril 1821. Son père François Baudelaire, prêtre défroqué, était veuf d’un premier mariage, lorsqu’il épousa Caroline Pérignon. Il avait soixante ans, elle n’en avait que vingt-cinq. François Baudelaire avait travaillé au Sénat, puis se déclarera artiste peintre. Il adore son fils qu’il promène au jardin du Luxembourg ; les statues des reines de marbre blanc, les parterres de fleurs aux couleurs éclatantes seront le monde dans lequel évoluera le petit Charles Baudelaire. Il y apprend le monde des mots que son père lui inculque. Mais le 10 février 1827, François meurt. Pour Charles, deux ans plus tard, lorsque sa mère épousera le commandant Jack Aupick, la descente aux enfers commencera.

Charles exècre ce militaire. En pleine insurrection de 1848, près de la rue Mazarine, sur une barricade, fusil à la main, il a 27 ans, il crie, il gueule : « Il faut fusiller le général Aupick ».

Pauvre Caroline !

En 1836, il a été renvoyé du lycée Louis-le-Grand, mais Aupick oblige, le lycée Saint-Louis a bien voulu l’admettre. Il y décrochera son bac.

Puis, à la fac de droit, il préfèrera la compagnie des prostituées. La fréquentation des bordels lui vaudra, à vingt ans, d’être atteint de la syphilis.

Pauvre Caroline !

Que faire ?

Aupick est passé général, il est décidé qu’un changement d’air serait pour Charles très salutaire. Le vent du large pourquoi pas ?

Charles embarque à Bordeaux en juin 1841 sur le paquebot «Mers du Sud ». Destination Calcutta. Mais à l’île de la Réunion, en escale, Charles se montrera si odieux, brutal même, que le capitaine des Mers du Sud décidera de le renvoyer en France.

Avec le général il est décidé de le laisser écrire. Il aura son chez lui. Et chez lui une des muses des « Fleurs du Mal ». Celle-ci, une comédienne, une mulâtresse, Jeanne Duval, la Vénus noire.

Elle le trompera durant les quinze années de vie commune. Les Fleurs du Mal publiées en 1857 et remaniées en 1861, composent un recueil de 129 poèmes. Elles lui vaudront, dans un premier temps, avec son éditeur d’être traduits au tribunal pour outrage aux bonnes mœurs. Ce jugement ne sera cassé qu’en 1949 !

En dehors d’autres « rencontres », celles-ci passagères, il connaîtra deux élans passionnés, l’un pour l’actrice Marie Daubrun, l’autre pour Apolline Sabatier artiste peintre et miniaturiste.

Mais la syphilis évolue, elle le rend aphasique. Des maux de tête incessants le poussent à abuser d’opium et de haschich. Couvert de dettes, il a été placé sous tutelle, il doit vivre avec deux cents francs (1844) par mois. Aussi se lancera-t-il dans la critique d’art (salons 1845-1846 - exposition universelle de 1855 et salon de 1859). Il a découvert l’écrivain américain Edgar Poe, esprit frère du sien, et se consacrera à la traduction de ses contes.

Il vit cependant misérablement et s’exile en Belgique. Mais c’est un échec. Peu d’auditeurs viennent à ses conférences. C’est à Namur, le 14 mars 1866, qu’il est victime d’une attaque le laissant à demi paralysé et avec de grandes difficultés d’élocution. Ramené à Paris il finira ses jours le 31 août 1867 après avoir demandé l’assistance d’un prêtre, dans la maison de santé de la rue du Dôme.

A ses obsèques, au cimetière Montparnasse, peu de monde. On y distingue cependant un poète, encore peu connu, Paul Verlaine.

Aujourd’hui si vous traversez le cimetière de Montparnasse, vous verrez, elle est très visible, une tombe sur laquelle sont gravés deux noms : Baudelaire et Aupick. Nous vous laisserons la liberté d’interpréter la signification de cette « rencontre » post-mortem. L’annonce ( ? ) du dadaïsme et du surréalisme, pourquoi pas ?

Claude Bernard

 

Recueillement A une passante
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,

Loin d’eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;

Le Soleil moribond s’endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l’Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
La rue assourdissante autour de moi hurlait,
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue,

Un éclair… puis la nuit ! Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?

Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
O toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !
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